Dessins de Poussin à Cézanne au Musée Correr

Louis-Léopold Boilly, “Portraits de seize hommes” pierre noire et rehauts de blanc sur papier beige. L’artiste a fait son autoportrait en bas à droite.

Jusqu’au 4 Juin une remarquable exposition de dessins français de la Collection Prat, l’une des plus importantes collections françaises qui réunit tous les grands maîtres du XVII ème au XIX ème siècle, de Poussin à Cézanne.

Commençée il y a plus de quarante ans, la collection Prat est l’une des plus prestigieuses collections privées européennes de dessins anciens. Elle s’est enrichie dans le but d’illustrer l’évolution de l’art graphique français sur  trois siècles à travers une sélection de presque 230 dessins, dont 110 sont exposés aujourd’hui au musée Correr de Venise.

Le musée Correr de Venise est le lieu d’exposition par excellence à Venise pour un collectionneur, puisque le vénitien Teodoro Correr fut le plus grand collectionneur d’art du XIX ème siècle et la légua à la Ville de Venise en 1830. Elle deviendra le noyau originel de l’immense patrimoine des musées de la ville de Venise.

Co-produite avec la Fondation Bemberg de Toulouse, deuxième étape après Venise de la collection, l’exposition a été réalisée avec le soutien de l’Alliance Française de Venise. Son président, Pierre Rosenberg, ancien directeur du Louvre et l’un des experts les plus reconnus de peinture française,  en a été le curateur.

Auguste Rodin, “Médée” graphite, plume et encre brune, lavis brun, rehauts de gouache blanche. Le sculpteur Rodin a laissé plus de 5000 dessins la plupart conservés au Musée Rodin à Paris.

Tout au long du XVIII ème siècle, l’Italie et en particulier la Ville Eternelle attirèrent les artistes français. Nicolas Poussin en est l’exemple le plus célèbre, qui accomplira presque toute sa carrière de peintre à Rome. Il en sera de même pour son ami Claude Gellée dit le Lorrain, pour qui la campagne romaine demeurera sa principale source d’inspiration.

Le triomphe de l’esprit classique fut assuré sous le long régne de Louis XIV dont la production artistique servit avant tout à célébrer la gloire du souverain. L’établissement de l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1648 permit de canaliser peu à peu la création artistique dans cette direction, dont Charles Le Brun, Premier peintre du Roi, fut jusqu’en 1690 le parfait illustrateur, en particulier au château de Versailles, où il donna le meilleur de lui-même.

Après que les rubénistes l’eurent emporté sur les poussinistes avec la notion de couleur triomphant sur celle de dessin, on revint à un art plus poétique, l’art rocaille. Malgrè sa courte vie Antoine Watteau demeure le représentant idéal de cette tendance, avec ses fêtes galantes. Après lui, François Boucher continua sur cette voie, l’enrichissant d’une iconographie mythologique.

Pierre-Paul Prud’Hon “Psyché enlevée par les Zéphyrs” pierre noire, craie blanche.

C’est déjà sous le règne de Louis XV, mort en 1774, que se fit jour la réaction néoclassique, avec la redécouverte des antiquités gréco-romaines, avec les fouilles de Pompei et d’Herculanum, mais aussi la montée en puissance de la bourgeoisie d’affaires qui ne se reconnaîssait pas dans un style aussi aristocratique que le Rococo. Le réalisme, les sujets dit de genre, simposèrent alors. En même temps que s’affirma le goût pour la peinture nordique du siècle précédent.

Autour de Jacques Louis David se cristallisa une nouvelle tendance artistique, celui de l’ “exemplum virtutis” (exemple de courage physique ou moral) hérité des Anciens. Grands lecteurs de Plutarque et de Tacite, les jeunes rénovateurs du style cultivèrent un répertoire nouveau. « Le Serment des Horaces » triompha au Salon de 1785. De retour à Paris après son exil à Bruxelles après le retour des Bourbons en 1815, son succès prodigieux laissa peu de place à ses rivaux. La gloire de Napoléon fut illustrée par David mais aussi par les élèves de celui-ci dont Girodet et Gros.

C’est précisement avec Gros que se manifestèrent les tensions entre le courant néoclassique et l’impulsion romantique, contradictions si violentes qu’elles le conduirent au suicide. Pour son contemporain Géricault, la problèmatique s’avèra différente: les héros qu’il représenta étaient souvent des condamnés. Leur stature michelangelesque contrastait avec la puissance du fatum qui les accompagnait. Dernier des Classiques,  Ingres nous a laissé plus de cinq cents portraits au graphite. Son rival, Delacroix, incarne l’élan romantique. Ces deux maîtres sont içi présents avec sept œuvres chacun, afin que le visiteur prenne conscience de leurs différences de technique mais aussi de leur génie créatif.

dessin de Victor Hugo, 1802, “La Tour des rats”, plume et encre brune, lavis brun. Crédit photo: Hélène Sadaune

Enfin, sont présentés des dessins d’ écrivains-dessinateurs, certains prolixes comme Victor Hugo qui nous a laissé plus de 3000 dessins ou rarissimes comme Baudelaire, qui n’a laissé qu’une quarantaine de dessins à la postérité.

Dessin de Baudelaire, 1867, plume et encre brune, graphite. “Echantillon de Beauté antique”

Pour en savoir plus:

http://correr.visitmuve.it/it/mostre/mostre-in-corso/mostra-collezione-prat/2017/02/18396/da-poussin-a-cezanne-disegni-dalla-collezione-prat/

Pubblicato da Hélène Sadaune

Master II d'Histoire Moderne de la Sorbonne Paris IV, j'ai travaillé pendant plus de 20 ans pour la C.E. Résidente depuis plus de trente ans à Venise, guide conférencière à Paris et Venise, je suis une passionnée de la civilisation vénitienne et de cette ville hors-norme. Comptez sur moi pour vous tenir informé!

error: You are not allowed to print preview this page, Thank you