Concert exceptionnel à la Basilique Saint-Marc en commémoration des cinquantes ans de la mort du compositeur russe Igor Stravinsky et de son inhumation au cimetière de Venise. L’hommage à Stravinsky dans la basilique Saint-Marc a été organisé par le Comité pour les 1600 ans de la fondation de Venise avec le Théatre La Fenice, La Biennale di Venezia, la Basilique et la Procuratoria de Saint-Marc, ce 4 juin 2021 à 20 heures.
Le concert a été dirigé par Markus Stenz. Claudio Marino Moretti a été le directeur du choeur, avec la participation du ténor Paolo Antognetti et du bariton Levent Bakirci. Le concert était ouvert en présence pour un public limité à 90 personnes dans le respect des normes anti-covid et a été retransmis en Live streaming sur le canal YouTube del Teatro La Fenice www.teatrolafenice.it et sur le site de la Biennale www.labiennale.org.
Cet évènement était une reproduction conforme du concert du 13 septembre 1956, qui eut également lieu dans la basilique Saint-Marc, à l’occasion du 19 ème Festival International de Musique Contemporaine de la Biennale de Venise. Le programme prévoyait l’exécution du “Choral-Variationen über das Weihnachtslied ‘Vom Himmel hoch da komm’ ich her” et du Canticum Sacrum ad honorem Sancti Marci nominis d’Igor Stravinskij, deux morceaux composés par le maître russe pour être joué dans la basilique Saint-Marc avec une sélection d’ oeuvres d’auteurs vénitiens du XVII siècle, pour un raffiné contraste de l’ancien au moderne, puisant son inspiration dans les racines baroques du “Divin” Claudio Monteverdi, adoré des vénitiens de son époque, qui fut le père de la musique contemporaine.
En hommage au compositeur russe ce projet a donc été reproposé à l’identique, comme Stravinsky l’avait autrefois conçu pour la Basilique Saint-Marc.
Dans la première partie du concert, les musiciens de la Fenice ont interprété des pages musicales de musique sacrée du répertoire du XVII ème siècle vénitien, ou de musiciens qui ont vécu un rapport intense avec la cité lagunaire. Le spectacle a débuté avec des extraits de Claudio Monteverdi dont le responsorium «Domine ad adiuvandum» du Vêpre de la Vierge. Il s’agit d’une composition publiée à Venise en 1610, trois ans avant que le “divin Claude” (comme le nommait avec affection les vénitiens de son époque) quitta la cour de Mantoue pour devenir Maître de Chapelle de la Basilique vénitienne, charge qu’il conserva jusqu’à sa mort.
Suivi des musiques d’ Andrea et Giovanni Gabrieli, oncle et neveu mais aussi père didactique et fils d’art, figures fondamentales du développement de la chapelle ducale de Venise. Du premier a été joué la “Sonate pian e forte” et l’«Angelus Domini», du second «Sassi, Palae, Sabbion, del Adrian lio» du premier livre des Grechesche. Tandis que de Heinrich Schütz, élève à Venise de Giovanni Gabrieli de 1609 à 1613, a été proposé le motet sacré «Buccinate in Neomenia Tuba» du premier livre des Sacrae Symphoniae, une des oeuvres les plus représentatives du compositeur allemand.
Le génie musical d’Igor Stravinsky est offert comme un don du ciel dans la deuxième partie du programme, où ont été joués deux morceaux fascinants: le Canticum Sacrum ad honorem Sancti Marci nominis qui fut composé en 1955 et est dédicacé à Venise et à son Saint patron. La première absolue eut lieu le 13 septembre 1956. Composés pour être joués dans la Basilique Saint-Marc, l’architecture et la sonorité toute particulière de la basilique vénitienne ont été déterminantes pour la création de ces oeuvres, le choix des voix et des instruments. Deux solistes: un ténor et un baryton, qui enrichissent de leurs voix mélodieuses et puissantes la musique pratiquement mystique du choeur et de l’orchestre.
Étant donné que ce morceau ne dure que 17 minutes, Stravinsky avait proposé aux organisateurs de l’assortir à la Choral-Variationen über das Weihnachtslied ‘Vom Himmel hoch da komm’ ich her, une autre de ses compositions pour choeur et orchestre, joué en première absolue au Festival de Ojai, en Californie, le 27 mai 1956. Cette oeuvre aussi avait été conçue expressément pour son exécution dans la basilique Saint-Marc. Plus qu’une simple transcription, cette oeuvre est en fait une réinvention originale et créative des “Canonische Veränderungen über ein Weihnachtsliedv BWV 769” de Johann Sebastian Bach, en hommage au sérialisme d’ Anton Webern, qui sut tisser une relation profonde avec l’architecture et les symboles de la Basilique Saint-Marc.
Assister à un tel concert dans la basilique Saint-Marc revêt une connotation spirituelle très forte, pour ne pas dire mystique, que j’ai fortement ressentie dans l’exécution du Canticum Sacrum ad honorem Sancti Marci nominis en l’honneur de Saint-Marc, avec l’impression que des anges faisaient résonner leurs messages extatiques dans l’espace sacré des mosaïques d’or de la Basilique, symboles d’éternité, une expérience presque ultra-sensorielle absoluement inoubliable.
Claudio Monteverdi
Vespro della Beata Vergine: «Domine ad adiuvandum» arrangiamento di Fabio Codeluppi
Giovanni Gabrieli Sonata Pian e Forte arrangiamento di Fabio Codeluppi
Andrea Gabrieli
«Sassi, Palae, Sabbion, del Adrian lio» dal libro I delle Grechesche arrangiamento di Fabio Codeluppi
Heinrich Schütz «Buccinate in Neomenia Tuba» dal libro I delle Sacrae Symphoniae arrangiamento di Fabio Codeluppi
Giovanni Gabrieli «Angelus Domini»
Igor Stravinskij Canticum Sacrum ad honorem Sancti Marci nominis
Johann Sebastian Bach / Igor Stravinskij Choral-Variationen über das Weihnachtslied ‘Vom Himmel hoch da komm’ ich her