“Électre / Oreste” d’Euripide à la Comédie-Française

©Hélène Sadaune

 

Cette nouvelle production de la Comédie Française mise en scène par Ivo van Hove associe deux pièces d’Euripide qui racontent l’histoire d’Électre et d’Oreste. 

Après l’immense succès des Damnés, Ivo van Hove revient avec une nouvelle grande fresque, liée à la famille des Atrides. Précisant que tous ses projets naissent d’un « coup de foudre » pour un texte, il associe deux pièces d’Euripide qui racontent l’histoire d’Électre et d’Oreste dans sa continuité, ou comment un frère et une sœur se retrouvent et s’unissent dans la vengeance qu’ils fomentent contre leur mère Clytemnestre et son amant Égisthe.

Cette création relate un épisode entier de l’histoire des Atrides, le dernier d’un long cycle de crimes et de vengeances. Père d’Électre et d’Oreste, Agamemnon a été assassiné par sa femme et son amant à son retour de la guerre de Troie. Égisthe règne désormais à Argos, le jeune Oreste a été envoyé en exil. Électre se déroule des années plus tard, tandis qu’Égisthe a lancé un appel au meurtre d’Oreste. Ce dernier, obéissant à un oracle d’Apollon, se présente sous les traits d’un étranger chez sa sœur, avec qui il finira par venger leur père.

 

©Jan Versweyveld

 

La seconde tragédie poursuit l’histoire après le matricide d’Oreste, devenu la proie des Érinyes et qui doit répondre de son acte devant la justice. Le directeur du Toneelgroep Amsterdam puise dans l’antique pour célébrer un théâtre comme événement social en se saisissant du mythe avec un sens aigu de sa modernité.

Voici quelques extraits de l’entretien avec Ivo van Hove (mise en scène) sur sa version d’Euripide: “Les pièces d’Euripide sont d’une brutalité et d’un réalisme presque contemporains.(…) Euripide situe l’intrigue d’Électre dans un monde rural aux abords de la ville, loin du centre politique. La fille d’Agamemnon et de Clytemnestre a été bannie, elle vit en exil et a été donné en mariage à un laboureur. Elle a une conscience aigüe de ne pas vivre selon le rang auquel sa naissance lui donne droit. La situation d’Oreste est différente. Il est lui aussi banni d’Argos, mais vit son exil dans le luxe dans le palais d’un roi.”

 

©Jan Versweyveld

 

Bart van den Eynde (Dramaturge) ajoute: “Le portrait psychologique qu’Euripide fait d’Électre est d’une finesse sans précédent: c’est une paria qui appartient à l’élite, elle est la fille du roi. (…) Euripide l’évoque avec force: il choisit de montrer son exil dans la boue, hors de la ville, son mariage forcé avec un paysan., la démonstration incessante de cette humiliation: la boue, sa tête rasée comme celle d’une esclave, ses vêtements déchirés…comme un cri contre l’injustice des dieux et de l’univers.” Et en effet, le décors est celui d’une scène envahie par la boue, qui salit tout, corps et âme.

 

©Jan Versweyveld

 

Le dramaturge Van den Eynde rajoute: “Les pièces d’Euripide ne se focalisent pas sur ceux qui sont au pouvoir, mais sur ceux qui en sont rejeté (…) Oreste veut tuer l’usurpateur de son trône, Électre les assassins de son père (…) Cette boue symbolise la situation des trois jeunes gens Electre, Oreste et Pylade, qui se joint à leur cause, une situation sans espoir, où toute vie future est inenvisageable.”

 

©Jan Versweyveld

 

An D’ Huys (costumes) nous explique:” Je me suis inspirée de deux cinéastes. De Pier Paolo Pasolini, dans son film Medea, et d‘Andreï Tarkovski, de Stalker entre autres. Ce sont surtout les couleurs que l’on y trouve qui m’ont inspirée. Elles distinguent clairement le monde des puissants, du côté de Medea, de celui des exclus dans Stalker. Le premier est celui dans lequel évolue Oreste, sa grande richesse est marquée par le bleu roi dont sont vêtus les personnages. Le second est celui dans lequel a été placé Électre: un milieu rural très pauvre et ceux qui y vivent portent des vêtements bruns, gris, ternes. Le contraste est renforcé par des costumes modernes pour habiller les puissants, les riches et des costumes intemporels pour habiller les parias, les exclus“.

 

©Jan Versweyveld

 

Puis la boue recouvre les beaux costumes bleu roi qui deviennent couleur de fange, qui à son tour se teinte de sang, du sang des crimes commis, impardonnables, qui en font des Damnés.

 

©Jan Versweyveld

 

Jusqu’au 3 Juillet 2019

www.comedie-francaise.fr


 

Pubblicato da Hélène Sadaune

Master II d'Histoire Moderne de la Sorbonne Paris IV, j'ai travaillé pendant plus de 20 ans pour la C.E. Résidente depuis plus de trente ans à Venise, guide conférencière à Paris et Venise, je suis une passionnée de la civilisation vénitienne et de cette ville hors-norme. Comptez sur moi pour vous tenir informé!

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