Le campanile de Saint-Marc

©Hélène Sadaune

Le campanile Saint-Marc est un monument incontournable symbole de la place Saint-Marc de Venise. Il est “el paron de casa” le patron de la maison comme disent les Vénitiens, le campanile le plus haut de la ville avec ses quasi 99 mètres de hauteur, le point de repère par excellence dans la cité des Doges.

C’est une visite importante si vous désirez comprendre Venise, sa dimension et son appartenance à la lagune, son insertion au milieu d’autres îlots, qui sont à la base de la conformation de la ville. Venise est une île, bâtie sur d’innombrables îlots (118) qui ont été rejoints les uns aux autres au fil du temps, le temps du comblement de nombreux canaux, la connexion d’îlots en îlots par le biais des multiples ponts (435 ponts dans toute la cité, privés et publics). A chaque fois que vous franchissez un pont, vous passez d’une île à une autre île. Vue d’en haut du campanile, vous comprenez que Venise est une multitude d’îlots au milieu de la lagune, qui est son élément de base sans lequel elle ne serait pas cette cité mythique née des eaux et de la boue, construite grâce au génie et la ténacité des ancêtres vénètes .

©Raffael Teodoro Alzetta

Pour commencer, qu’est ce qu’un campanile? C’est une question qui revient souvent au cours de mes visites guidées. Un campanile est le clocher de l’église, séparée de l’édifice principal comme cela se faisait dans l’art roman et qui est resté le modèle de base pendant des siècles à Venise. La fondation mythique de Venise est très ancienne et remonte à 421 av. J.C. selon les sources officielles de la Sérénissime qui créa intentionnellement le mythe de Venise par pure propagande politique. La Sérénissime adhéra à ce modele pendant presque toute son existence par goût des traditions et du respect des ancêtres fondateurs de la patrie tant aimée.

©Raffael Teodoro Alzetta

Le campanile de San Marco est une tour carrée en brique qui était autrefois un phare antique utile à la navigation. Il est le prototype de tous les campaniles lagunaires. Sa construction remonte au lointain XII ème siècle, sur les fondations d’une précédente tour de garde. Il a été réédifié dans sa forme actuelle au début du XVI ème siècle avec l’ajout d’une flèche pyramidale revêtue de cuivre, au sommet de laquelle trône une girouette dorée à la feuille d’or 24 carats représentant l’Archange Gabriel, qui indique la direction des vents depuis des siècles.

Des cinq cloches originelles il ne reste que la plus grande: la Marangona. Les autres, aujourd’hui substituées, furent détruites lors de l’écroulement du campanile en 1902. Tout en haut du campanile, on peut observer un panorama incroyablement beau de la cité et de sa lagune.

©Raffael Teodoro Alzetta

A la base du campanile se trouve la loge que le grand architecte florentin Jacopo Sansovino fit construire entre 1537 et 1549. Elle est ornée de marbres polychromes et de statues en bronze d’une grande beauté.  Construit en brique sur des fondations romaines datant du IX ème siècle, le campanile fut reconstruit à plusieurs reprises du XII au XIV siècle, pour assumer son aspect définitif vers 1514. Sa largeur est de douze mètres, avec presque cinquante mètres de hauteur, sans compter le clocher. D’une simplicité architecturale toute romaine dans son harmonie et dans ses proportions, la tour est depuis toujours la première à apparaître à qui arrive par la mer, avec les reflets de l’ange d’or posé sur son sommet. Touché de nombreuses fois par la foudre et rendu fragile par des tremblements de terre qui se sont succédés au cours des siècles, il poursuit toutefois sa vie séculaire depuis sa dernière reconstruction en 1902.

©Raffael Teodoro Alzetta

En effet, le 14 Juillet 1902 le campanile implosa improvisament à cause de travaux imprudents sur ses murs. Toutefois, les dommages causés n’ont pas été irréparables. La Loggetta de Sanvovino a été entièrement détruite et reconstruite.  La nouvelle de l’écroulement en 1902 fit le tour du monde et la Mairie de Venise délibéra que le campanile devait renaître à l’identique “tel qu’il était, où il était”. La première pierre a été posée le 25 Avril 1903 mais ce n’est que neuf ans après, en 1912, que les travaux prirent fin et que le nouveau campanile fut inauguré. Au sommet de la flèche, on recomposa avec ses fragments originaux la statue en bronze doré de l’Archange Gabriel, entièrement refaite en recopiant à l’identique l’ancien modèle. Depuis 1962 un ascenseur permanent est installé dans le puit intérieur de la tour. Atteindre le sommet ne demande que trente secondes sans la moindre fatigue.

L’histoire du campanile est lié à la fête du vol de l’Ange pendant le carnaval. Il s’agissait d’un exercice d’équilibre qui consistait dans la descente d’un acrobate le long d’une corde tendue du campanile jusqu’à un bateau situé dans le bassin de Saint-Marc ou jusqu’à la loge du Palais Ducal. De là, le Doge et les Seigneurs de Venise assistaient au spectacle qui avait lieu chaque jeudi gras.

A l’époque de la Sérénissime, la visite du campanile était une des nombreuses attractions qu’on ne manquait pas d’offrir aux hôtes illustres de la République. Galileo Galilei utilisa le campanile comme observatoire pour l’étude des astres. C’est sur ce campanile que cet éminent scientifique présenta à la Seigneurie son fameux téléscope. Grâce à l’intervention de son ami Paolo Sarpi, Galilée fut invité à présenter sa lunette astronomique le 21 Aout 1609 tout en haut du campanile à des sénateurs. Cette démonstration réussie lui valut une forte augmentation de son salaire de professeur à l’Université de Padoue, l’Université officielle de la Sérénissime, augmenté à 1000 ducats par an (quand en moyenne un artisan gagnait 20 ducats d’or par an).

©Hélène Sadaune
©Hélène Sadaune

Les cloches du campanile

Lors de l’écroulement du campanile le 14 juillet 1902 les cinq cloches se brisèrent. Mais elles furent toutes refaites à l’identique grâce à une généreuse donation du pape vénéte Pio X.  Les cloches du campanile ont toutes un nom: la Marangona est la plus grosse cloche qui indiquait l’heure du début et de la fin de la journée de travail, elle indiquait aussi le premier appel à venir assister aux réunions du Grand Conseil, suivi de l’appel de la Trottiera, appelée ainsi car à son signal les patriciens se dépêchaient de rejoindre au trot le palais ducal dans une Venise antique où les seigneurs circulaient encore à cheval.  Ensuite, il y a la Nona qui sonnait midi, l’heure de la pause déjeuner. La Mezza Terza annoncait les réunions du Sénat. Le Maleficio (Maléfice) la plus petite des cinq cloches, annoncait une exécution capitale entre les deux colonnes de la place Saint-Marc.

La Loge de Sansovino

La loge – aux pieds du campanile – fut édifiée par le grand architecte florentin Sansovino venu se réfugier à Venise suite au sac de Rome en 1527. Il s’y trouva si bien qu’il y resta. Il devint même “Proto” de la basilique Saint-Marc, c’est à dire l’architecte officiel responsable des travaux dans l’aire Marciana de la place Saint-Marc.  Constuite entre 1537 et 1549, la Loggetta fut utilisée ensuite comme poste de garde des Arsenalotti durant les séances du Grand Conseil.  Dans les quatre niches, Sansovino a placé les statues en bronze de Minerve, Apollon, Mercure et l’allégorie féminine de la Paix. Les reliefs en marbre sont des oeuvres des collaborateurs de Sansovino. On trouve l’allégorie de Venise: la Justice (au centre), l’île de Chypre (à droite, ex-colonie de la Dominante) et l’île de Candie (la Crète, à gauche, également ex colonie de la Sérénissime). Rappelons que Venise a été le premier empire colonial occidental qui prit fin en 1694 à la mort du grand amiral Francesco Morosini, le dernier grand conquérant de la Dominante.

L’élégant portail en bronze est de Antonio Gai (1735 – 37). A l’intérieur, dans la niche existante était située une belle oeuvre en terre cuite représentant une Vierge à l’Enfant avec Saint-Jean Baptiste, oeuvre de Sansonivo désormais conservée au musée de Saint-Marc, au premier étage de la Basilique Saint-Marc.

http://www.basilicasanmarco.it/

Pubblicato da Hélène Sadaune

Master II d'Histoire Moderne de la Sorbonne Paris IV, j'ai travaillé pendant plus de 20 ans pour la C.E. Résidente depuis plus de trente ans à Venise, guide conférencière à Paris et Venise, je suis une passionnée de la civilisation vénitienne et de cette ville hors-norme. Comptez sur moi pour vous tenir informé!

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