Marie-Antoinette de Stefan Zweig au Théâtre de Poche Monparnasse

Stefan Zweig unit Marie-Antoinette et la Révolution dans une même fatalité de destin, telles les deux faces d’une même médaille tragique. Les appels au secours que la reine lance au cœur de la Révolution, rappellent les cris d’alarme qui émanent de la patrie de l’écrivain quatre ans avant la Seconde Guerre mondiale. Stefan Zweig hisse la figure de Marie-Antoinette au rang d’héroïne dans la tempête des évènements, tout en dressant un portrait sans indulgence de la royauté et de ses dérives.

Marion Bierry, qui a adapté et réalisé ce spectable et interprete magistralement Marie-Antoinette, nous explique: “Je devais avoir treize ou quatorze ans lorsque ma grand-mère me donna à lire une biographie à l’eau de rose sur Marie-Antoinette. Ma grand-mère aimait les reines – presque toutes les reines – les princesses, Joséphine Baker, et toutes les chanteuses réalistes. Les hommes étaient moins nombreux dans son Panthéon : De Gaulle, Maurice Chevalier. Lorsque je lus Marie-Antoinette de Zweig, j’eus la révélation du tragique là où j’avais gardé le souvenir du mélo, la révélation d’une héroïne, là où je me rappelais uniquement le martyr. La révélation de Stefan Zweig tour à tour défenseur des droits de l’homme et défenseur de la femme. C’est à Vienne que je lus Marie-Antoinette pour la première fois. Je connaissais déjà bien l’Autriche et sa capitale. Si le monde de Zweig, de Roth, de Musil, avait disparu depuis bien longtemps, il survivait encore, à Vienne, au début des années 1980, des personnages portant en eux ce mélange « Vieille Autriche » d’engagement ardent et de conservatisme, de goût du progrès et de la tradition. Ce qui me touche, tout autant que la virtuosité de l’historien, c’est l’approche étonnante du conteur. Une approche espiègle, passionnée, sévère, lyrique, légère, toujours affable – et comme dirait l’auteur :« véritablement autrichienne » – des deux côtés d’une même médaille de sang : Marie-Antoinette et La Révolution. A mesure du récit toutes deux sont embarquées dans une même fatalité de destin. Je réalise aujourd’hui que cette médaille tragique – comment pourrait-t-il en être autrement ? – est à l’effigie de l’Autriche du début des années trente, date de l’œuvre. Tous les appels au secours de la reine – et de la révolution, toutes ses tentatives politiques si maladroites renvoient, tel un écho, aux appels et aux maladresses de la patrie de l’écrivain évoqué dans Le Monde d’hier. J’ai tenté, dans cette adaptation de ne pas trahir l’approche historique et psychologique de Zweig. J’ai laissé de côté les analyses du remarquable historien, ses sources, son exceptionnel travail de chercheur, pour privilégier le sentiment de l’auteur. Je souhaitais dégager le plus étonnant : sa parole, ses images.  Juste le verbe du conteur répartie entre un homme et une femme : un juge avec son sens historique, une avocate avec son plaidoyer “.

Stefan Zweig quant à lui, nous dévoile ce qu’il ressent pour cette reine de France si cruellement martyrisée par son peuple: “Marie-Antoinette n’était ni la grande sainte du royalisme ni la grande « grue » de la Révolution, mais un être moyen, une femme en somme ordinaire, pas trop intelligente, pas trop niaise, un être ni de feu ni de glace, sans inclination pour le bien, sans le moindre amour du mal, la femme moyenne d’hier, d’aujourd’hui et de demain, sans penchant démoniaque, sans soif d’héroïsme, assez peu semblable à une héroïne de tragédie. (…) Sans l’irruption de la Révolution dans son fol univers de plaisirs, cette princesse insignifiante aurait tranquillement continué à vivre comme des millions de femmes de tous les temps ; elle aurait dansé, bavardé, aimé, ri, se serait parée, aurait rendu visite et fait l’aumône ; elle aurait mis au monde des enfants et finalement se serait étendue doucement sur un lit pour y mourir, sans avoir réellement vécu selon l’esprit du temps (…) Une nature moyenne doit être projetée hors de soi-même pour devenir tout ce qu’elle est capable d’être, et peut-être davantage qu’elle ne le supposait ou pressentait ; pour cela le destin n’a pas d’autre fouet que le malheur. (…) Mais inexorable comme l’artiste qui ne lâche pas sa matière,  le malheur ne cesse pas de marteler l’âme molle et faible de Marie-Antoinette avant d’en avoir obtenu la fermeté et la dignité, et fait surgir toute la grandeur ancestrale ensevelie dans ses profondeurs (…) Et grâce à cette conscience d’un devoir supérieur à remplir son caractère grandit au-delà de lui-même. Peu avant que la forme humaine ne se brise, le chef d’œuvre impérissable est achevé, car à la dernière heure de sa vie, à la toute dernière heure, Marie-Antoinette, nature moyenne, atteint au tragique et devient égale à son destin“.

Un spectacle remarquablement mené par les deux interprètes, Marion Bierry et Thomas Cousseau, nous invitant à la réflexion et à la compassion pour cette femme si injustement décapitée avec sa famille, la famille royale, lors de la terrifiante révolution francaise qui fit entre 600.000 à 800.000 victimes sur une population de 28 millions d’habitants,  au nom d’une idéologie mortifère.

 

http://www.theatredepoche-montparnasse.com/project/marie-antoinette/

Pubblicato da Hélène Sadaune

Master II d'Histoire Moderne de la Sorbonne Paris IV, j'ai travaillé pendant plus de 20 ans pour la C.E. Résidente depuis plus de trente ans à Venise, guide conférencière à Paris et Venise, je suis une passionnée de la civilisation vénitienne et de cette ville hors-norme. Comptez sur moi pour vous tenir informé!

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