L’Université de Padoue

Façade externe du palais du Bo’.

L’Université de Padoue a été fondée en 1222 par des ex professeurs de l’Université de Bologne – l’université la plus ancienne d’ Europe fondée en 1088. Au début du XVI ème siècle, les Ecoles dispersées dans différents quartiers de Padoue se rassemblèrent finalement dans le palais du Bo’ qui doit son nom à l’ Hospitium Bovis, hôtel qui avait pour enseigne un boeuf (“Bue” en Italien, “Bo’” en dialecte padouan) qui constitue le coeur historique et architectural du Bo’.

Bucranio, symbole de l’Université de Padoue des origines.

Les travaux d’aménagement du palais débutèrent en 1493 par le célèbre architecte local Andrea Moroni, qui édifia également juste en face le palais du Podestat, aujourd’hui la Mairie de Padoue.

L’ Ancienne Cour – commencée en 1546 – est entourée d’un double étage de loggia soutenues par des colonnes doriques dans la partie inférieure et ioniques dans la partie supérieure. Cest l’un des plus beaux édifices de Padoue de la Renaissance. Elle a pour caractéristique que les murs et les voûtes des portiques sont entièrement décorés des armoiries des recteurs et des professeurs des Universités de Droit et des Arts, accrochés aux murs entre 1592 et 1688. Date à laquelle la République de Venise interdit l’accrochage de nouveaux blasons dans le palais du Bo’ “pour ne pas risquer d’endommager les anciennes” et mettre un frein à la volonté de paraître des notables.

L’Ancienne Cour du Bo’ avec ses armoiries accrochées un peu partout sur les murs des arcades et le bucranio symbole du Bo’ en décoration au dessus des colonnes.

L’ Aula Magna est elle aussi entièrement décorée d’innombrables armoiries originales pluri-centenaires. Le grand amphithéâtre fut aménagé du XVI au XVIII ème siècle. Il était à la fois le siège de la Grande Ecole des Légistes et une salle d’enseignement (comme aujourd’hui). Galilée, à qui le salon est aujourd’hui dédié, y a enseigné pendant dix-huit ans. L’amphithéâtre est toujours utilisé pour les cérémonies solennelles comme la remises des doctorats etc. ainsi que des conférences de prestige. On peut encore y lire l’ancienne devise de l’Université “Universa Universis Patavina Libertas”.

©Hélène Sadaune. Grande salle amphithéâtre de Padoue

La Salle des Quarante doit son nom aux portraits ornant les murs des quarante étudiants étrangers célèbres venus de toute l’ Europe pour étudier à Padoue. Peints par Giacomo dal Forno en 1942, ces tableaux illustrent les célébrités qui y étudièrent: de William Harvey, anglais célèbre pour ses études innovatives sur la circulation du sang et fondateur de l’école anglaise de médecine, Stefan Bathory, Hongrois qui devint roi de Pologne en 1576 etc.

La Salle des Quarante abrite aujourd’hui la chaire historique de Galilée – toute en bois, émouvante dans sa nudité et sa simplicité. Galilée y enseigna de 1592 à 1610, qui ont été selon l’aveu même de Galilée “la plus belle période de ma vie”. Révéré par ses étudiants, protégé par la puissante République de Venise, c’est à Padoue que Galilée inaugura la méthode scientifique moderne.

©Hélène Sadaune,  La chaire de Galilée en bois.

C’est dans le palais du Bo’ aussi que l’on peut admirer le premier théâtre anatomique permanent au monde et le plus ancien conservé intégralement, construit en 1594 sur demande du professeur d’anatomie Gerolamo Fabrici D’Acquapendente. Auparavant, les futurs médecins assistaient à des dissections dans des structures amovibles, étant donné que la dissection des cadavres était interdite par l’ Eglise, afin de pouvoir faire tout disparaître rapidement en cas d’arrivée de la police. Avec ce premier théâtre anatomique permanent, la dissection devient sinon officiellement autorisée, du moins tolérée par les Seigneurs de la Sérénissime, ouverts au progrès scientifique.

théâtre anatomique de Padova

Quand on le visite, on est frappé par ses dimensions réduites: il semble si minuscule, si étriqué et si haut, six étages tout en hauteur, chaque étage tellement étroit que les étudiants devaient rester debout accrochés à leur balustrade pendant les six heures des leçons anatomiques par jour. En effet à l’époque, faute de chambre froide pour conserver les corps, on n’avait guère que trois jours d’étude par cadavre avant qu’il ne soit trop putréfié pour pouvoir continuer à l’examiner. Au début, un seul cadavre par an fut autorisé pour l’étudier, puis davantage au fil des ans, en général des condamnés à mort que les autorités judiciaires fournissaient à l’ Université. Les leçons d’anatomie étaient donc très rares et suivies avec la valeur que l’on donne à l’exception. Par ailleurs à sa construction, le théâtre anatomique n’avait pas de fenêtres, construites beaucoup plus tard en 1844. Il fallait donc étudier dans une obscurité à peine dissipée par des chandeliers, dans un endroit clos et oppressant, sans air. Les évanouissements étaient nombreux, surtout arrivé au 3 ème jour de dissection, la puanteur du corps en décomposition s’ajoutant à des conditions d’étude déjà difficiles.

©Hélène Sadaune, théâtre anatomique au Bo’

Autre belle salle à visiter: la Salle de Médecine. C’est l’une des plus anciennes du Bo’. Aujourd’hui, elle accueille toujours les étudiants en médecine ou des autres facultés venus y soutenir leur thèse de doctorat. Ancienne salle des cours théoriques d’anatomie, ses origines sont très lointaines. Elle faisait autrefois partie de l’une des demeures de la noble famille des Da Carrara, constituant le noyau architectural central du XIV ème siècle à l’origine de l’ Hôtel du Bo’.

©Hélène Sadaune, Salle de Médecine, la plus ancienne salle d’étude du Bo’.

Pour finir en beauté, n’oubliez pas de vous arrêter au pied de l’escalier conduisant au premier étage de l’Ancienne Cour carrée, où se trouve la statue d’ Elena Lucrezia Corner Piscopia, en l’honneur de la première femme au monde qui obtint un doctorat. Elena Corner Piscopia devint docteur en philosophie en 1678 à l’Université de Padoue. Là encore, cela souligne bien la différence de mentalité étonnante entre le reste du monde et cette incroyable petite République de Venise: l’unique a avoir permis aux femmes – si elles le désiraient – de s’inscrire à l’Université.

L’Université officielle de l’ Etat Vénitien était celle de Padoue. Université qui était vue comme quelque peu “sulfureuse” à cause de professeurs considérés ailleurs à la limite de l’ hérésie, voire carrèment hérétiques (comme Galilée, Marsilio da Pavova ou Pietro d’ Abano) et parce qu’elle permettait aux étudiants protestants (hérétiques donc) comme Erasmo da Rotterdam (qui y étudia un mois en 1508 et vécut un an à Venise chez Aldo Manuzio) de la fréquenter et de s’y inscrire même après la Contre-Réforme. Quand la Sérénissime tomba sous la botte de Bonaparte en 1797, les femmes devront attendre l’Université de Zurich en 1868 pour avoir de nouveau le droit de s’inscrire à l’ Université.

©Hélène Sadaune, statue en marbre blanc d’Elena Corner Piscopia

Pour le visiter:

https://www.unipd.it/visitebo

Pubblicato da Hélène Sadaune

Master II d'Histoire Moderne de la Sorbonne Paris IV, j'ai travaillé pendant plus de 20 ans pour la C.E. Résidente depuis plus de trente ans à Venise, guide conférencière à Paris et Venise, je suis une passionnée de la civilisation vénitienne et de cette ville hors-norme. Comptez sur moi pour vous tenir informé!

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