Victor Hugo “Angelo, tyran de Padoue”

Angelo Tyran de Padoue est un drame romantique de Victor Hugo en trois actes, représenté pour la première fois au Théâtre Français en 1835. Hugo l’ écrivit très vite,  en 17 jours seulement. En deux mois,  il y eut 36 représentations qui rencontrèrent un grand succès auprès du public. Il sera joué par la suite de nombreuses fois, dont en 1905 par l’immense Sarah Bernardt.

Drame de Hugo désormais peu connu, il mérite d’être redécouvert, ne serait ce que par les amoureux des histoires liées à la Sérénissime et sa pertinence due au rôle central donné aux femmes par l’auteur, plus que toujours  d’actualité (il suffit de penser à la lutte des Iraniennes pour obtenir plus de liberté dans leurs vies quotidiennes et leurs affections).

La trame

Dans l’Italie du XVIe siècle, Angelo est le gouverneur de Padoue,  au pouvoir presque absolu. Il reste toutefois sujet au contrôle de la Sérénissime, puisque la ville a été conquise par Venise dès 1405.  Dans le drame de Hugo plane constamment l’ombre du pouvoir de Venise au dessus de la tête d’Angelo, car il doit l’obédience à la République du Lion.  Parallèlement, Angelo se comporte en tyran avec son épouse vénitienne Catarina Bragadin. Soumise aux lois du mariage d’intérêt comme c’était alors l’usage, la patricienne Catarina tombe amoureuse de Rodolfo, un jeune homme aimé aussi d’ une comédienne et courtisane, la Tisbe, qui est également l’ amante d’Angelo. Dans l’ombrage de ces quatre personnages se glisse l’inquiétant Homodei, espion du Conseil des Dix de Venise, qui informe ses supérieurs des faits et gestes du despote de Padoue. Les deux personnages féminins, Catarina et la Tisbe,  résument la dure condition des femmes sous l’Ancien Régime.

En effet, dans cette pièce Victor Hugo met l’accent sur l’importance des femmes dans la société – d’autrefois et d’aujourd’hui – grâce à leur aptitude au sacrifice par amour ou compassion, même au prix de leur vie. Hugo dévoile la force qu’elles ont en elles. Elles sont mises en avant par leur force morale et leur volonté d’aller au bout de leurs passions.  Dans cette pièce,  les deux héroïnes –  la patricienne vénitienne Catarina Bragadin et la comédienne Tisbe – vont se sacrifier par amour. Leur supériorté morale face à la férocité des hommes qui les entourent, réside dans leur capacité à s’entraider et sauver des vies : Catarina sauva la mère de Tisbe dans le passé et Tisbe sauve  ensuite Catarina.

Une précision aussi sur le rôle obscur du gouvernement de Venise projeté sur le podestat de Padoue. Hugo s’est inspiré de l’Histoire de Venise écrite par le français Pierre Daru publié en 1819, qui s’applica à tisser la légende noire de Venise pour justifier le renversement du gouvernement vénitien par Bonaparte en 1797, futur Napoléon 1er. A Daru convenait noircir au possibile et surenchérir sur le pseudo osbcurantisme de Venise pour justifier l’injustifiable: la conquête des territoires vénitiens et la chute irréversible de la Sénénissime par l’armée napoléonienne. Mais il ne s’agit que d’une légende noire créée ad hoc pour discréditer la victime, car bien au contraire, la Sérénissime,  qui dura plus de mille ans grâce à son incroyable cohésion sociale, fut souvent un modèle de progressisme et de liberté dans bien des domaines, en particulier celui de la liberté des femmes au coeur de sa société. Jusqu’à l’arrivée de Bonaparte.

 

Nota Bene: Pour mieux comprendre qui était Pierre Daru et ses objectifs:

Ci- joint un extrait du paragraphe 8 de l’excellente recherche de l’historien italien Filippo de Vivo, professeur d’Histoire de la Rennaissance à l’Université d’Oxford: 

“L’Histoire de la République de Venise publiée en 1819 par Pierre Bruno Daru (1767-1829) : C’est après la défaite de 1815, à la retraite après une magnifique carrière politique qui l’avait fait accéder au statut d’inspecteur en chef de l’armée d’Italie, chargé par Napoléon de négocier la rédition de Venise, puis de secrétaire général du ministère de la Guerre et conseiller d’État sous l’Empire, que Daru écrit son Histoire, en la dictant en partie à Littré qui fut pour quelque temps son secrétaire. Premier historien à retracer l’histoire de la République après sa chute, Daru rejette l’une après l’autre toutes les propositions traditionnelles du mythe de la Sérénissime. (…) Plus que le goût gothique du macabre, ce qui pousse Daru – qui pourtant est le cousin aîné et le protecteur de Stendhal qu’il tâche d’orienter vers les études militaires et administratives, et qu’il envoie connaître l’Italie – ce sont des motivations politiques. Face aux attaques portées contre Napoléon pour avoir anéanti la République et l’avoir livrée à l’oppression autrichienne – attaques qui sont portées tout aussi bien par des libéraux italiens que par des nostalgiques de la Sérénissime – le but de Daru est de dédouaner les armées françaises, Napoléon et lui-même de la responsabilité de la chute de Venise, objectif auquel il consacre une grande partie de ses volumes”.

https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-theatre/Angelo-tyran-de-Padoue

272 pages, sous couverture illustrée, 108 x 178 mm, Achevé d’imprimer : 12-09-2022, 7,80 euros

Pubblicato da Hélène Sadaune

Master II d'Histoire Moderne de la Sorbonne Paris IV, j'ai travaillé pendant plus de 20 ans pour la C.E. Résidente depuis plus de trente ans à Venise, guide conférencière à Paris et Venise, je suis une passionnée de la civilisation vénitienne et de cette ville hors-norme. Comptez sur moi pour vous tenir informé!

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