“Il pittore prigioniero” de Giandomenico Romanelli

Giandomenico Romanelli est vénitien et vit à Venise. Il est un homme célèbre dans sa ville, une personne qui compte du secteur culturel. Il a été le directeur des Musées civiques vénitiens, ensuite des Biens et activités culturelles de la Mairie de Venise, puis depuis sa création en 2008, de la Fondation des Musées civiques de Venise. Professeur universitaire d’ Histoire de l’architecture et d’urbanisme, de Muséologie, d’Histoire du collectionisme et d’Histoire de l’art à l’Université Ca’ Foscari et au IUAV de Venise. Ecrivain renommé, il a publié plus de cinquante livres principalement d’ Histoire de l’ art.

Le peintre prisonnier” est une oeuvre à part pourrait-on dire dans sa carrière d’écrivain car il s’agit d’un roman, inspiré au hasard d’une trouvaille archéologique au Palais des Doges. Suite à la restauration d’une cellule des prisons du palais des Doges, appelées les “puits” où l’on enfermait les prisonniers qui devaient souffrir pour se repentir de leurs fautes, tels que les hérétiques ou les assassins, car il s’agissait de prison sans lumière, d’où le nom de “Puit”.

Nella foto: un totale del soffitto a volta del camerotto n. x : il Perucolo si era servito di un chiodo o punzone per incidere le figure su uno strato di calce fresca, per poi ripassare sui segni un pennellino imbevuto di acqua mista a polvere di carbone. ANSA/ANDREA MEROLA

Lors de la restauration de la cellule X, enfouis sous une couche épaisse de crasse et de chaux datant des siècles précédents, des graffiti ont été retrouvés représentant une “conversation sacrée” à peine esquissée entre Saints intercesseurs (Saint-Sébastien, Saint-Roche et Saint-Benoît) et une Vierge à l’Enfant. Sur le mur d’en face, l’ébauche d’un Christ en croix, surmonté d’un ange. Ces graffiti émurent Giandomenico Romanelli, non pour la beauté de l’exécution, restée sommaire, mais pour les conditions dans lesquelles le peintre prisonnier dut faire face pour y recouvrir les murs de sa cellule, dans une nuit perpétuelle.

Ce qui n’était qu’un détail parmi tant d’autres dans l’immensité du palais ducal enflamma l’imagination de Giandomenico Romanelli, qui voulut retrouver à tout prix qui pouvait en être l’auteur, faire une enquête sur les causes de sa condamnation dans les puits joint à son contexte historique. L’auteur fit des recherches aux Archives de Venise et découvrit qui fut ce peintre prisonnier et le pourquoi de sa détention.

Nella foto: dettaglio di San Sebastiano: ANSA/ANDREA MEROLA

On passe alors à la reconstitution et narration de la vie de ce peintre secondaire de la province de Trévise, des circonstances qui le portèrent aux Puits. Le contexte historique n’est autre que celui de l’Inquisition sur la Terre Ferme de Venise à l’époque du serrement de vis contre les hérétiques en 1549, pour stopper les risques de propagation du luthéranisme sur les territoires de la Sérénissime. Giandomenico Romanelli nous transporte dans le vif d’un sujet peu connu, celui du fonctionnement de l’Inquisition sur les territoires de la Terre-Ferme de la République de Venise.

D’après la reconstitution historique romancée de Giandomenico Romanelli, le peintre Riccardo Perucolo fut incarcéré dans le cellule X en 1549. Riccardo Perucolo était un peintre de la petite ville de Conegliano, proche de Trévise. Il fut condamné pour hérésie luthérienne par le Tribunal de l’Inquisition. Le juge du Saint-Office de l’Inquisition, le nonce Giovanni Della Casa, n’est autre que l’auteur du célébre “Galateo” des bonnes manières, qui deviendra un véritable best-seller international de cette époque. Jugé puis incarcéré dans les puits de Venise, dans le noir, le froid et l’humidité, Perucolo se rétracta et abjura de son crime.

Credito fotografico: Andrea Merola

En preuve de sa bonne volonté il proposa de réaliser une fresque de la Vierge et des Saints sur les murs de sa cellule, pour consoler les détenus malades, ayant été informé que sa cellule allait devenir une infirmerie dans les prisons du palais. Sa supplique fut écoutée et approuvée et Perucolo commença son travail. Mais il ne le termina jamais car il fut remis en liberté, après avoir été condamné à réciter des pénitences vêtu d’une robe de bure et une corde au cou, dans le Dôme de Conegliano pendant 18 mois.

L’ébauche de son travail fut alors recouvert d’une couche de chaux pour désinfecter la cellule comme c’était alors l’usage, et resta ainsi enfouie pendant des siècles.

Nella foto: sulla parete opposta alla Vergine, un Cristo crocefisso e a lato San Rocco, che regge una campanella attorniato da due maialini: ANSA/ANDREA MEROLA

 

Qu’est devenu notre peintre prisonnier après sa libération? Dans les Archives de Venise a été retrouvé la triste fin de ce peintre obscur mais significatif de son époque: tombé dans l’oubli pendant plus de vingt ans sous une dévotion apparente à l’église catholique, il continua toutefois en cachette son apostolat à l’église réformée, en recevant des documents et des catéchismes de l’ex-évêque de Capodistrie Pier Paolo Vergerio, qui s’était réfugié en Suisse pour éviter d’être jugé par le Tribunal de l’Inquisition. Riccardo Perucolo fut découvert, re-jugé par le tribunal de l’Inquisition et cette fois condamné à être brûlé sur un bûcher, sur la place du marché de Conegliano en 1568. Visiblement, le premier avertissement n’avait pas suffi à le dissuader de sa foi luthérienne.

Portrait de Giandomenico Romanelli peint par l’ami Safet Zec.

 

Pour ceux qui souhaitent le lire en version originale italienne:

http://www.marsilioeditori.it/libri/scheda-libro/3171876/il-pittore-prigioniero

L’édition française sortira au printemps 2018 chez Qupé Editions:

http://www.quartopiano.net/?id=394

Pubblicato da Hélène Sadaune

Master II d'Histoire Moderne de la Sorbonne Paris IV, j'ai travaillé pendant plus de 20 ans pour la C.E. Résidente depuis plus de trente ans à Venise, guide conférencière à Paris et Venise, je suis une passionnée de la civilisation vénitienne et de cette ville hors-norme. Comptez sur moi pour vous tenir informé!

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